Poussé par les industriels asiatiques et de nombreuses startups, le développement de la trottinette électrique est exponentiel. Plébiscitée par les jeunes actifs urbains, elle est devenu un mode de transport très « hype ». Mais cette mode commence à être décriée et combattue dans de nombreuses métropoles.
Avec une hausse de 23% des blessés et tués (289 en 2017 contre 219 en 2016) en un an en France, le phénomène affole les statistiques. Et le développement des offres en libre service devrait accélérer le mouvement ces prochains mois. Déployées par Lime à Lyon, Bordeaux et Paris, ces engins génèrent de nouveaux facteurs de risque liés à la vitesse, la méconnaissance des mesures de sécurité et la cohabitation sur la voie publique avec les autres usagers.
L’insécurité et les incivilités que favorisent les trottinettes électriques les ont déjà bannies de plusieurs grandes métropoles. On parle de Barcelone et Valence en Europe mais pas seulement. Elles sont persona non grata dans plusieurs grandes villes en Amérique du Nord.
Aucune règlementation valable
En absence de règlementation spécifique, faire le pari du développement de la trottinette électrique est risqué surtout si les municipalités se saisissent du sujet et procèdent comme à Valence en sanctionnant financièrement les sociétés qui les déploient. En pratique ce sont les règles du code de la route qui s’appliquent. Et on peut voir l’écart entre le texte et la réalité. Les trottinettes électriques sont interdites un peu partout, sur la route, sur les pistes cyclables et dans les espaces partagés mais pour des raisons différentes. Seul la trottoir à condition de rouler à moins de 6km/h serait autorisé sans exception. Bref, c’est le principe de tolérance qui s’applique pour le moment à condition de ne pas la débrider.
Pour les usagers, les forces de police commencent d’ailleurs à montrer les dents et selon plusieurs témoignages, des sanctions auraient déjà été prises, considérant la mise en danger d’autres usagers. Il faut de toute façon considérer qu’un véhicule dont l’arrêt est très compliqué une fois lancé ne peut se méler à des piétons dans l’espace public.
Occupation de l’espace public, le point crucial
Pour Fabrice Furlan, président de la Fédération des professionnels de la micromobilité (FP2M) qui regroupe tous les acteurs des nouveaux modes de déplacement (trottinettes, gyropodes, hoverboards…), la croissance du marché serait à l’origine de cette dérégulation et de l’augmentation de l’accidentologie. Mais comme souvent ces statistiques sont l’arbre qui cachent la forêt. On a fait la même aux automobilistes pour réduire la vitesse à 80km/h.
Le fond du problème réside bel et bien dans les politiques publiques d’orientation des mobilités qui sont difficilement compatibles avec des initiatives d’entrepreneurs novateurs. Ce ne sont pas les usagers qui possèdent leur propre trottinette qui sont au centre du problème.
En occupant l’espace public gratuitement, sans autorisation, des acteurs comme Lime, se mettent de toute façon en danger et on le constate à Valence, où l’opérateur américain a du mal à faire entendre raison à la municipalité.
Alors que les collectivités locales doivent faire face à une augmentation des besoins en transports publics et en infrastructures pour les deux roues, elles se retrouvent à devoir faire des investissements lourds quand des acteurs du web se contentent d’une application mobile pour organiser leur business. La réactivité des uns contraste avec le manque d’anticipation des autres.
Le déploiement des vélos Indigo Weel avait donné un avant goût des incivilités et des problématiques que peuvent générer ces systèmes en libre accès. Celui des trottinettes électrique pourrait bien être la goute qui fait déborder le vase…
Peut-on considérer que la concept de trottinette électrique a du plomb dans l’aile ?
Laissons de côté pour le moment les critères environnementaux. Hormis en contraignant les usages par de nouvelles taxes et une règlementation stricte (bridage à 15km/h par exemple), le développement des trottinettes en libre accès ou non, ne devrait être stoppé à court terme. Passé l’effet de mode, il y aura probablement un tassement. On peut s’attendre à un développement suivant la même parallèle que celui des vélos électriques.
Cependant, les interdictions prononcées dans certaines villes ont créé une forme de jurisprudence. Les accidents et les incivilités si elles continuent à se développer vont obliger les communes et l’Etat à légiférer rapidement.
Une loi pour réguler ces usages est annoncée. Il faut maintenant espérer que les bonnes décisions seront prises pour permettre aux usagers respectueux des autres de continuer à circuler. En revanche, il faut s’attendre à avoir une plus forte régulation des solutions en libre accès.